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LA RÉSILIENCE OU L'ART DE SURMONTER LES ÉPREUVESDe tout temps, les gens ont subi des traumas importants, guerres et abus multiples. Et de tout temps, on a reconnu que ces traumas avaient des impacts négatifs sur la vie et le développement de ces personnes. Or, il demeure quand même un mystère dans le fait que des gens ayant vécu parfois les pires atrocités arrivent à s'en sortir et à vivre des vies « réussies ». La réponse se trouve, peut être, dans un phénomène que l'on appelle la résilience et qui a été beaucoup étudié par le psychiatre et éthologue français Boris Cyrulnik, qui a publié plusieurs ouvrages sur le sujet. Cette résilience est, en fait, la capacité pour une personne confrontée à des événements très graves, de mettre en place des mécanismes d'adaptation lui permettant de « tenir le coup », voire de « rebondir » et de réussir à vivre et à se développer positivement. De plus en plus, on s'intéresse donc à ceux qui s'en sortent pour comprendre ce qui aide à la « survivance ». À cet égard, Boris Cyrulnik nous fournit des exemples troublants dans son livre « Un merveilleux malheur ». Il est question, entre autres, de recherches menées auprès de jeunes juifs âgés de 14 à 16 ans durant la Seconde Guerre mondiale. Parmi ce groupe, plus de la moitié avaient été cachés, le tiers interné dans des camps de la mort et moins du dixième avait fait de la résistance. Soixante ans plus tard, on les a retrouvés. Lesquels s'en étaient mieux sortis? Étonnamment, ce sont les anciens résistants qui avaient pourtant frôlé la mort de près et avaient vécu dans le danger, qui ont fait preuve du plus de résilience. Parce que, entre autres, après la guerre, ces jeunes avaient tissé des liens, s'étaient entraidés, alors que ceux qui ont le plus souffert ont été les enfants cachés, parce qu'ils ont été isolés, qu'on les a empêchés de parler, qu'ils ont dû taire leurs noms, leurs origines, leurs familles. Ce ne sont donc pas ceux qui avaient été protégés qui s'en sont tirés! Cet exemple illustre en quelque sorte les ingrédients nécessaires, ou du moins souhaitables, afin de manifester cette forme d'immunité contre le malheur qu'est la résilience. Ce premier ingrédient est certainement la possibilité de créer des liens privilégiés avec une personne signifiante. C'est, en effet, dans le contact avec l'autre que se trouve le « germe » de la résilience. Même, l'enfant le plus meurtri peut retrouver le goût de jouer à la condition qu'il trouve sur son chemin un tuteur de résilience, quelqu'un qui saura l'accueillir, le guider et le respecter dans son rythme. Les personnes résilientes ont, à un moment donné dans leur vie, créé des liens avec au moins une personne qui a « fait la différence ». Cette personne peut être une tante, un professeur ou, au sens plus large, cela peut être une communauté ou une organisation comme la résistance dans l'exemple des jeunes résistants. Le tuteur de résilience permet à la personne de se mettre en contact avec ses ressources, est attentif au vécu émotionnel et valide l'expérience. Boris Cyrulnik propose l'idée que le cheminement de vie de toute personne et de chaque enfant est lié à une constellation de déterminants avec certaines « étoiles » qui brillent plus fortement que d'autres. Ces étoiles seraient les tuteurs de développement qui influencent le développement de l'individu et qui déterminent une manière de voir le monde et de s'y comporter.
Quand arrive un trauma, certaines « étoiles » s'éteignent et l'enfant pour se développer doit en investir d'autres qui sinon auraient été secondaires. Prenons par exemple le petit André qui, à la suite du décès de son père, se rapproche de Gilles, son entraîneur de soccer, part en camping avec lui et sa famille et devient son « bras droit » : Gilles devient ici une « étoile » investie qui brillera plus que les autres dans la « constellation d'André ». Il deviendra probablement pour lui un tuteur de résilience qui l'aidera à surmonter le trauma de la mort de son père. Il en a été ainsi pour plusieurs d'entre nous! Regardez autour de vous et vous constaterez la présence « d'étoiles significatives » dans la « constellation » de vies de beaucoup de gens. On croit également que les enfants résilients ont été bien « tricotés » par des liens significatifs avec des gens aimants qui les ont vus, reconnus et entendus. Ce ne sont donc pas des enfants qui sont nés avec « quelque chose de plus » ou qui sont « tombés dans la potion magique » à la naissance, mais bien des enfants à qui l’on a tendu la main. Ces enfants auront aussi, plus tard, le réflexe de créer des liens affectifs et de chercher l'aide dont ils ont besoin. Ils seront donc plus habiles à créer leur destinée. Outre ce besoin de lien, on observe aussi que les personnes résilientes ont la capacité ou ont eu la possibilité de donner un sens à leurs épreuves, de comprendre et de parler de ce qui les a blessés ou traumatisés. En fait, il semble que la possibilité de donner un sens à sa vie constitue un élément essentiel permettant de surmonter les difficultés. Car la souffrance cesse lorsqu'elle devient significative. Selon Frankl (1997), l'homme ne cherche ni le plaisir, ni la souffrance, mais une raison de vivre, avant tout. C'est pourquoi il accepte la souffrance, à la condition qu'elle ait un sens et que cela permette ainsi de trouver que la vie n'est pas totalement absurde (voir la fable « Le casseur de cailloux »). Car les gens résilients n'oublient pas leur passé, pas plus qu'ils ne l'utilisent pour s'apitoyer. Ils cherchent plutôt à comprendre! C'est en faisant sienne l'expérience, en se l'appropriant par un travail d'intégration, que l'on cesse de combattre ce qui fait désormais partie de l'histoire personnelle. L'oubli est impossible, personne ne peut oublier un événement qui a fait basculer sa vie! Oublier non, mais plutôt tenter de vivre avec satisfaction malgré la blessure. La résilience est ainsi un parcours difficile qui ne se fait pas seul et est bien sûr propre à chaque individu, cependant l'on observe des points communs au cheminement des gens résilients : - La reconnaissance du trauma (ne pas nier!) - L'utilisation de stratégies de résistance (ne pas baisser les bras!) - Le recours à des ressources jusqu'alors inutilisées, parfois latentes ou insoupçonnées (sortir de nouveaux outils de son coffre à outils!) - Une propension à l'épanouissement (désir d'être heureux malgré tout!) Nous terminerons en précisant que, quoique la résilience soit souhaitable et qu'on tende à la promouvoir, il faut cependant demeurer vigilant afin de ne pas tomber dans le piège de considérer qu'être résilient signifie être meilleur ou encore qu'il est noble de souffrir. Car il est clair, qu'il n'y a pas de traumas souhaitables même si certains peuvent ressortir grandit de l'épreuve. De même, il n'y a pas d'épreuves, objectivement ou évidemment, plus difficiles à surmonter. Il n'y a pas non plus de,«fort » ou de « faible » ou de gens mieux « équipés » dans la vie qui, eux, s'en sortiront plus facilement. Nous devons surtout retenir qu'il est possible de s'en sortir et que la souffrance peut avoir un sens! Ainsi, être résilient ne veut pas dire être invulnérable et ne plus souffrir, mais cela rappelle plutôt qu'il y a d'autres façons de voir le monde, ce que nous oublions parfois quand le malheur nous « tombe dessus »! - Chantal Forget, M.Ps. Psychologue RÉFÉRENCES ET LECTURES SUGGÉRÉES :Cyrulnik, Boris, Un merveilleux malheur, Éditions OdileJacob, 1999.Frankl, Victor E., Man’s search for ultimate meaning, Perseus Book Publishing, New-York, 1997. LE CASSEUR DE CAILLOUX Quand on a une cathédrale dans la tête, On ne casse pas les cailloux de la même manière. Charles Péguy va en pèlerinage à Chartes. Il voit un type fatigué, suant, qui casse des cailloux. Il s'approche de lui: "Qu'est ce que vous faites Monsieur?" "Vous voyez bien, je casse des cailloux, c'est dur, j'ai mal au dos, j'ai soif, j'ai faim. Je fais un sous-métier, je suis un sou homme". Il continue et voit un peu plus loin un autre homme Qui casse les cailloux; lui n'a pas l'air mal. " Monsieur, qu'est ce que vous faites?" " Eh bien, je gagne ma vie. Je casse des cailloux, je n'ai pas trouvé d'autre métier pour nourrir ma famille, je suis bien content d'avoir celui-là". Péguy poursuit son chemin et s'approche d'un troisième Casseur de cailloux, qui est souriant et radieux: "Moi, Monsieur, dit-il, je bâtis une cathédrale." |
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